49 Biographie Pierre Duny-Pétré

Publié le par pierredunypetre.over-blog.com

Biographie de Pierre Duny-Pétré

 

Article paru dans l'hebdomadaire Enbata 

 

 Pierre Duny-Pétré s’est éteint le 24 mars 2005 à Donibane Garazi à l’âge de 91 ans. Abonné à l’hebdomadaire Enbata dès sa création en 1960, il participa à la fondation du mouvement Enbata le 15 avril 1963 à Itxassou, et écrivit dans notre journal de nombreux billets d’humeur et autres « coups de gueule » signés Jon Donipétry. Adhérent du parti politique Euskal Batasuna, il fut ensuite membre d’Abertzaleen Batasuna.  La trajectoire de cet abertzale demeure fort atypique pour quelqu’un de sa génération, dans la mesure où il fut Résistant, puis commissaire de police durant sa vie professionnelle et fit l’objet de menaces et d’une humiliation de la part du ministère de l’Intérieur, pour avoir manifesté lors de l’Aberri Eguna de Mauléon en 1972.

Né le 3 avril 1914 à Saint-Jean-Pied-de-Port, Pierre Duny-Pétré est issu d’une famille de douaniers de Lecumberry et d’artisans de la rue d’Espagne où se trouve sa maison natale, une serrurerie de 1756. Après des études de philosophie où il se passionne pour la pensée stoïcienne, arrive la deuxième guerre mondiale. Quelques mois avant qu’elle n’explose, son régiment de Chasseurs alpins accueille à Argelés, dans les conditions lamentables que l’on sait, l’armée républicaine qui vient de perdre la bataille de l’Ebre, vaincue par les soldats de Franco, Hitler et Mussolini. Cet épisode déterminera ses engagements ultérieurs. 

Prisonnier de guerre lors de la bataille de la Somme, il s’évade d’Allemagne en juin 1942 dans des conditions rocambolesques, après cinq tentatives infructueuses (1). Ses parents sont au Congo-Brazzaville où son père sera révoqué par Vichy, la maison Hegitoa qu’ils viennent de construire au quartier Eyheraberry de Saint-Jean-Pied-de-Port est occupée par les soldats de la Wehrmart. Il rejoint les rangs de la Résistance à Marseille, dans l’Armée Secrète, il sera le second de son oncle, le colonel Jean Pétré qui dirige alors la région Sud-Est de l’AS. En juillet 1943, Jean Pétré sera arrêté par la Gestapo, puis déporté à Büchenwald. Puis Pierre Duny-Pétré fera partie du réseau Brick-Phratrie dépendant du BCRA (Bureau central de renseignements et d’action) et participera activement aux combats de la libération de Marseille en août 1944. De nombreuses décorations lui seront décernées pour ses faits d’armes en tant qu’évadé et maquisard (Légion d’honneur, Croix de guerre, médaille de la Résistance, médaille des Evadés).


VALISE SOUVENIRS 3 crop

La valise aux souvenirs: béret de chasseur alpin, casquette d'ouvrier allemand, ceinturon, boussole démontable pour s'évader, grenades allemandes et pistolet des combats de rues à Marseille, bois sculpté de la 'Drôle de guerre', documents et insignes de l'armée républicaine espagnole, archives de l'AS, etc.


Piarres Hegitoa

A la Libération, fort de son expérience de la clandestinité, il entre comme Commissaire dans les services du contre-espionnage français, la DST, et en poste à Marseille, suivra de près l’affaire de l’Exodus 47 (2) qui défraya la chronique. Mais certaines méthodes le rebutent et il n’admet pas la trahison des idéaux la Résistance avec le maintien aux commandes de l’appareil d’Etat de tous «les collabos» et autres «Résistants de juin 1944», ainsi que le maintien au pouvoir du général Franco. Il intègre alors la police nationale et fera carrière dans plusieurs villes de l’Hexagone. Lors du putsh des généraux d’Alger, il fait état de sa fidélité au gouvernement légal et sera remercié personnellement par le Général de Gaulle.

Les convictions euskaltzale puis abertzale de Pierre Duny-Pétré naissent avec la création du mouvement Enbata. L’émergence de cette jeune génération et les premiers faits d’armes de la nouvelle résistance basque lui apparaissent profondément légitimes. Il a assisté depuis la fin des années cinquante à l’engloutissement du Pays Basque de son enfance qu’il ne reconnaît plus. Et l’épopée carliste, version romantique d’Augustin Chaho, qu’il découvre alors, l’enthousiasme. Il y retrouve « l’esprit de la Résistance » de sa jeunesse, le parfum violent d’une patrie basque à construire : Zumalakarregi et le curé Santa Cruz respirent si fortement « la vertu de l’action consommée, la parenté fulgurante de quelques hommes et ce baume de l’essor que rien n’altère »... D’autant que, par transmission orale, le souvenir des réfugiés de la deuxième guerre carliste est toujours vivant dans sa famille qui en accueillit quelques-uns.

Pierre Duny-Pétré se met alors à écrire des articles et de nombreuses poésies —en particulier des ballades— dispersées dans différentes publications basques telles que Gure Herria, Elgar, Herria, Eusko Gogoa, ou encore Principe de Viana, sous plusieurs pseudonymes, Piarres Hegitoa ou Garaziko Manex. Ami personnel du linguiste René Lafon et du bascologue tchèque Norbert Tauer, il devient membre correspondant de l’Académie de la langue basque, Euskaltzaindia et publie en 1959, une étude sur le mythe de Basa Jauna, le seigneur sauvage dans les légendes basques.


Batalioa Salaberria 4 guztbis 2006 crop

La maison natale de Pierre Duny-Pétré, rue d'Espagne à Donibane Garazi (le jour du baptême de sa petite-fille, Maddalen). 

 

Vivement intéressé par les arts et traditions populaires, il collectionne des objets, témoins de la civilisation agro-pastorale basque dont il a connu les derniers feux avant la guerre, ainsi que des outils liés au travail de la forge et de la serrurerie ancienne.

 

Blâme du ministère de l’Intérieur

En avril 1972, moins de 48 heures avant son départ officiel à la retraite, P. Duny-Pétré défile à l’Aberri Eguna de Mauléon que le préfet vient d’interdire. Un de ses « collègues » des Renseignements généraux, le commissaire palois Gallais, dénonce sa présence. La République une et indivisible est ingrate et ne supportera pas qu’il affiche ses convictions abertzale. Quelques jours plus tard, il est convoqué au ministère de l’Intérieur par le Directeur général de la Police nationale qui lui inflige « un blâme avec inscription au dossier » pour avoir « assisté à une manifestation à caractère séparatiste », le tout assorti de menaces de suspension de ses indemnités de retraite. Son ami, l’historien Eugène Goyheneche commentera avec humour : « Vous avez là un certificat d’abertzalisme dûment signé du ministère français de l’Intérieur… Un document rarissime ! »

Malgré l’interdiction officielle, il continue d’envoyer à l’hebdomadaire Enbata des billets d’humeur au vitriol, signés sous le pseudonyme transparent de Jon Donipetry, où il fustige les pouvoirs en place.

Au milieu des années 80, Pierre Duny-Pétré publie son oeuvre majeure dans la prestigieuse revue dirigée par José Miguel de Barandiaran Anuario de Eusko folklore, un recueil de comptines, formulettes, proverbes et jeux pratiqués au début du XXe siècle par les enfants de Basse-Navarre et qu’il a patiemment collectés durant plusieurs décennies. L’ouvrage intitulé Xirula Mirula fera l’objet par la suite d’une édition à l’intention d’un plus large public.

Aujourd’hui, Pierre Duny-Pétré repose au cimetière de St-Jean-Pied-de-Port, dans le caveau qu’il avait lui-même conçu, parmi les charpentiers, serruriers, sabotiers et autres couturières et brodeuses de sa famille. Au centre de cette Basse-Navarre si chère à son coeur.

(1)   Il racontera en détail ses évasions dans un petit ouvrage autobiographique demeuré inédit : Quelques Basques dans la tourmente (1939-1945).

(2)   Le 10 juillet 1947, un paquebot appareille du port de Sète en direction de la Palestine. A son bord, 4400 juifs, survivants de l’Allemagne nazie. Pendant la traversée, les passagers nomment le navire et leur expédition Exodus 47, en souvenir du périple de Moïse vers Israël. Arrivés le 18 juillet, les passagers sont refoulés par les Britanniques qui administrent la Palestine. Le navire est reconduit sous escorte militaire jusqu’à Port-Bouc (près de Marseille) le 27 juillet, où les passagers refusent de débarquer. Le 7 septembre, les passagers récalcitrants sont débarqués de force et avec violence dans le port de Hambourg. De nombreux émigrants juifs de l’Exodus finiront par rejoindre clandestinement la terre d’Israël.

 

Rue-d-Espagne-Petre-serrurier-2.jpg

La rue d'Espagne à Donibane Garazi au début du XXe siècle.

 

Ouvrages

+ Ahozko euskal literatura Garazin, ipuinak : http://ahozko-euskal-literatura.over-blog.com

+ Piarres Hegitoaren olerkiak: http://piarreshegitoarenolerkiak.over-blog.com

+ Basa jauna ou le Seigneur sauvage dans les légendes basques, Société de Sciences Lettres et Arts de Bayonne, 1960, n° 92, 93 et 94.

+ Xirula mirula, l’enfant basque à travers ses amusements, ses terreurs naïves, ses formulettes récréatives burlesques et superstitieuses, Eusko press éditeur, Bayonne, 1996, 206 p. et Revue + Anuario de Eusko folklore n° 34 de 1987 et n° 35 de 1988-1989. http://xirula-mirula-duny-petre.over-blog.fr

+ Quelques Basques dans la tourmente (1939-1945) : http://www.blog-gratuit.com/dunypetre

+ Colonel Pétré-ren bizitza : http://colonel.petre.resistance.marseille.over-blog.com

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article